Accordéoniste virtuose, Yves Moulin a remis au goût du jour un instrument lié « trop souvent » au folklore. Le brillant concertiste et compositeur valaisan donne ainsi un second souffle à son fabuleux compagnon de route, avec lequel il se lance dans des projets originaux. En quête de sensations nouvelles, il interprète sa musique corps et âme, maintenant l’équilibre sur le cap d’une passion qu’il veut pérenniser.
Le jour des 34 ans d’Yves Moulin, c’est paradoxalement le jubilaire qui se montre fort généreux : nous voilà accueillis chez lui avec un mini concert improvisé en guise de cadeau… les étoiles s’allument dans nos yeux à mesure que l’agilité de ses doigts dessine dans l’air sonore des notes tantôt entraînantes, parfois envoûtantes, toujours émouvantes. Egrénant brièvement mais magistralement son fabuleux répertoire allant du classique au jazz en passant même par des musiques du monde entier, il active promptement les touches de son accordéon fait sur mesure et qu’il berce énergiquement, tanguant instinctivement avec lui : « Si je fais des grimaces et que je bouge, ce n’est pas pour le fun », tient à préciser le virtuose, comme pour s’excuser : « C’est que je suis transporté, je suis prêt à tomber, je dois rétablir l’équilibre ! Un morceau ne doit jamais s’arrêter, quoi qu’il arrive. » Parcouru par l’émotion, le « champion de France » et médaillé de bronze des championnats du monde accompagne physiquement ce sentiment : « Il faut déployer une grande énergie pour nourrir l’âme. » La notre aussi, savourant ces morceaux sonores qui allument leurs bougies sur nos sens éveillés. Bel anniversaire…
Le Carnaval joue son rôle
« A 8 ans, je découvre l’accordéon grâce au Carnaval d’Orsières. » En entremetteurs efficaces qui se faisaient « une douce guéguerre », les Carnavals de l’Edelweiss et de l’Echo d’Orny affûtent les désirs d’Yves qui admire les grands accordéonistes de France qui s’y produisaient à l’époque. En pamoison devant les meilleurs accordéonistes du moment, Yves décide de se lancer, quand bien même personne ne jouait de cet instrument, ni même faisait partie d’une fanfare dans sa famille : « Du coup ça m’a facilité la tache » sourit-il, « on ne m’a pas dit mais non, fais plutôt du cornet ! J’ai simplement annoncé à ma maman : je veux faire ça. » Unique jeune accordéoniste à l’époque dans son entourage scolaire du moins, il est tout d’abord l’élève d’Eric Lovey, puis de Véronique Siggen-Joris, puis vole ensuite de ses propres ailes : à 20 ans, il intègre une école professionnelle en France, à Clermond-Ferrand.
Un titre au nez et à la barbe des Français !
« Un gros déclic s’est produit : on y jouait comme des fous. Des élèves participaient à des concours internationaux, coupes du monde, trophées mondiaux… je les prenais un peu pour des extraterrestres. » Les Français considérant que « les Suisses ne savaient pas trop bien jouer de l’accordéon », Yves Moulin déjouera tous les pronostics chauvins : après avoir gagné son premier concours dans une catégorie très moyenne, il sera très vite amené à participer aux concours internationaux et remportera le titre suprême de champion de France : « C’est certainement celui qui m’a le plus marqué. J’ai senti à ce moment -là que je pouvais peut-être faire quelque chose de très beau. » Lui qui, avec son diplôme de serrurier en poche partait à Clermond Ferrand dans l’optique d’y passer « une année sabbatique », reviendra deux ans plus tard avec la ferme intention d’en faire son métier.
Puis, remises en question…
En 2012, suite à un grave accident de la circulation, Yves Moulin, déjà accordéoniste de renom se voit contraint de laisser de côté physiquement son instrument fétiche pour se consacrer à son rétablissement. Son compagnon d’émotions bien installé dans son âme ne cesse toutefois d’alimenter ses aspirations, qui se transcrivent durant cette période par une attention accrue sur l’école de musique qu’il avait montée en 2009. « Avant cet événement tragique je désirais me consacrer complètement à l’organisation de mes concerts. Par la force des choses, j’ai mis toute mon énergie dans l’école, afin de demeurer dans ce monde de l’accordéon que je ne voulais pas quitter. » En peu de temps, Yves accueille plus d’une cinquantaine d’élèves qui venaient aussi de l’étranger, même à plein temps. En 2016, « pour prendre l’air », Yves se lance dans un voyage aux allures de tour du monde qui durera une année, dont le retour coïncidera avec la volonté de se consacrer uniquement à des concerts.
Se détacher du folklore
Aujourd’hui, il a remonté une école et se lance pleinement dans de nouveaux projets en solo, en duo ou en trio avec d’autres musiciens, qui laissent peu de place au répertoire folklorique et populaire : « Je me consacre vraiment à la musique que j’aime : j’ai un récital de musique classique, musiques du monde. Ce que j’apprécie beaucoup, c’est la collaboration avec des chanteurs comme mon frère ou avec d’autres musiciens. » S’il ne dénigre pas le répertoire du bal musette, Yves désire passer à autre chose afin de pérenniser cet instrument : « Avec mon frère par exemple, nous essayons de remettre les chansons françaises au goût du jour. » Autre moyen de se détacher de ce folklore, la création du spectacle « Tableaux » qui l’occupe actuellement : « Avec un collègue organiste, nous mélangeons de la musique électro à de la musique de film avec des techniques de boucle pour retranscrire le passage des Alpes d’un peintre italien des années 1400 ! » Mélange des générations, des genres, des techniques, ce spectacle comme toutes les autres créations musicales d’Yves lui permet d’élever son âme : « La création de musique virtuelle est un nouveau métier qui me procure des sensations et des émotions nouvelles, que je ne connaissais pas. C’est une manière de me réinventer, de me créer un avenir musical. » Préservant la quintessence de son art, son interprétation qui transporte l’âme, Yves poursuit sa quête du second souffle : sa musique telle une prière permettant la renaissance de l’instrument et de l’être.
Romy Moret
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