En parcourant les pages du livre de Gérald Métroz, c’est sur son fauteuil que l’on s’assied. Le Sembranchard qui a perdu ses deux jambes à l’âge de deux ans et sept mois en 1964 suite à un accident de train a marché à l’aide de prothèses jusqu’en 1998, date à laquelle une prise de conscience accrue lui as permis de prendre la décision de les abandonner définitivement. « La vie d’en bas » offre l’analyse de cet angle de vue différent forgé par les événements et adopté au fil du temps par Gérald. Métaphore de son statut, ce nouvel éclairage sur la vie de ce sportif d’élite, journaliste, conférencier, manager de hockeyeurs professionnels, écrivain et chanteur offre la possibilité de s’interroger sur le regard des autres et sur le nôtre.
Vingt ans après sa décision de poser ses prothèses, Gérald Métroz offre dans « La vie d’en bas » une réflexion autour du passage de la verticalité au fauteuil roulant. « Le deuil de la verticalité ne s’est pas opéré en un coup de baguette magique, cela s’est fait progressivement, tout comme ma nouvelle façon de voir la vie depuis en bas… » L’homme sans jambes mais avec de nombreuses cordes à son arc a senti qu’il avait à présent suffisamment de recul sur cette décision et ses conséquences pour en faire un livre : « L’évidence que mes prothèses éteint devenues une véritable contrainte, qu’elles m’handicapaient plus que mon handicap, m’a permis de les abandonner définitivement en 1998. Si je les ai gardées pendant 20 ans, c’est que je n’étais pas prêt à faire le deuil de l’apparence. Comme tout le monde, j’avais peur du rejet, surtout à l’adolescence, période durant laquelle je trainais toujours avec des mecs qui faisaient du foot, comme les Moret de Ravoire… »
« Regarder, c’est forcément émettre une opinion »
Si Gérald a pris la plume c’est pour élargir et approfondir son histoire qui avait été racontée dans le livre de Jacques Briod en 2001 mais aussi transmettre ce qu’il a vécu aux autres : « Je reprends le fil vingt ans plus tard pour dire ce qui s’est passé pendant ce laps de temps avec un certain recul sur les événements. Si je peux aider certaines personnes avec mes expériences, pourquoi pas ? » Se pliant avec talent à l’exercice de l’introspection, Gérald analyse avec sincérité et franchise, sans s’épargner et sans chichis ni pathos, mais avec une grande sensibilité qui affleure à la lecture de ses lignes qui retrace sa progression physique et mentale durant ces années : « Je me suis questionné sur l’emprise du regard des autres et sur ma propre manière de regarder les autres. C’est quoi ? L’effet de surprise ? La curiosité ? Regarder c’est émettre une opinion : la clé réside dans le pouvoir que nous donnons à cette opinion. » Bien souvent Gérald est confronté à un traitement différent de la part des autres : « On me dit d’entrée en me voyant : « ça doit être difficile, hein ! Courage ! » , mais demande-moi plutôt comment je vais au lieu de partir du principe que je me débrouille plutôt bien avec une vie de m… pareille ! ma vie n’est pas plus pénible que la vôtre. » Bien décidé à ne pas laisser décider les autres à sa place, Gérald n’a toutefois pas totalement résolu l’énigme : « Tous les matins tu dois remettre l’ouvrage sur le métier. C’est un exercice quotidien auquel personne n’y échappe. Mais lorsque tu comprends comment ça fonctionne, t’es moins touché. »
La chance, la connaissance et la passion
« Ce livre c’est aussi une boucle qui se boucle ça correspond aussi à la fin de mon activité de manager de joueurs de hockey professionnels, terminée au mois d’avril après 30 ans. » Journaliste au Nouvelliste et à la Gazette, il travaillait à ses débuts à la locale à Martigny et suivait le sport, en particulier le hockey et le foot avec son collègue Marcel Gay qui a commencé et terminé la formation de journaliste le même jour. En 1987, il demande un congé sabbatique pour aller au Canada, afin d’écrire un bouquin sur le hockey. Sur place, il rencontre des gens qui faisaient ce métier de manager de joueur. De retour en Suisse, il monte sa boîte tout en travaillant à temps partiel à la radio Suisse romande. « Étant donné que j’étais le premier à me lancer, il y avait beaucoup de demande : ça répondait vraiment à un besoin. Pendant les 7-8 premières années, je n’ai pas eu de concurrence. » Une vraie panacée qui a tenu aussi grâce à d’autres paramètres : « La réussite, c’est la réunion de trois facteurs selon moi : la chance (right time right place : je suis tombée dans un contexte économique favorable par rapport à cette activité qui n’existait pas en Suisse), la connaissance ( savoir de quoi tu causes) et la passion. En pratiquant moi-même du sport de haut niveau et en aimant profondément le hockey, j’ai pu parvenir à une certaine forme de réussite. » En avril, Gérald a mis définitivement un terme à cette activité. « Le livre est aussi une sorte de bilan sur ce chapitre de ma vie. Ce que le sport m’a apporté, ce que je n’y ai pas trouvé également. Je m’interroge sur les limites de la comparaison du sport avec la vie… » Si elle lui ressemble certes, Gérald y apporte toutefois une nuance par le biais d’une phrase qu’il s’est souvent plu à répéter : « Le sport, c’est important, mais ce n’est jamais grave. Ce n’est pas la maladie ou la mort. La vie est jalonnée par de vrais deuils, pas par la perte d’un match la veille. »
En équilibre « entre les gaz et le frein »
Si je fais le bilan de mon handicap, il m’a plus ouvert de portes qu’il ne m’en a fermées. Mon handicap fait partie de mon personnage : on ne m’a jamais dit je ne te prends pas comme agent parce que tu es en fauteuil. » A 57 ans, Gérald se consacre à présent plus assidûment à son côté artistique : « Je produis un disque tout comme mon livre avec ma société Empiric Vision que je vais sortir au mois de janvier et qui va passer sur la Première et sur Option Musique. J’ai toujours chanté, je joue de l’harmonica, du piano et je prends des cours depuis une quinzaine d’années. » Un disque et un bouquin qui vont sortir à peu d’intervalle, Gérald vit à 100 à l’heure une vie de perfectionniste, trait de carcatère qu’il analyse comme un avantage mais aussi un frein : « C’est une qualité mais presque un défaut : j’ai toujours l’envie que ça aille mieux dans ma vie, en même temps j’ai de la peine à être bien ici et maintenant, car je me dis toujours que demain ça pourrait être mieux et ailleurs. Je me situe entre les gaz et le frein. » Un équilibre à trouver en continu aussi avec la foule d’idées qui l’assaillent en permanence : « La méditation, mais surtout la musique m’aident à calmer ce tourbillon de pensées. » Car Gérald, c’est un tourbillon à lui seul, ne désirant s’enfermer dans aucun carcan : rationnel et artistique, sociable et solitaire, journaliste, agent, sportif, écrivain et chanteur, il est surtout assis, mais debout. Libre.
Romy Moret
Sortie du livre de Gérald Métroz « La vie d’en bas » le 8 novembre 2019 : disponible en vente directe ici.
– Vernissage/dédicace : mercredi 13 novembre à la Librairie du Baobab à Martigny dès 18h00
– Dédicace à Sembrancher le dimanche 15 décembre 2019 à la salle polyvalente dès 17h00
– Dédicace le 20 décembre à la Belle Vie après concert-apéritif des Gars du 9ème
– Dédicace le dimanche 22 décembre à 15h00 à la Librairie du Baobab à Martigny (nocturnes)
Disque EP intitulé « ON » de Gérald Métroz, sortie le 15 janvier 2020. Teaser à découvrir sur la chaîne Youtube de Gérald Métroz. Concert aux Alambics de Martigny le dimanche 9 février à 17h30
La vie d’en bas, la vie d’en haut, c’est une question de hauteur. Hauteur d’esprit, assurément. Salut l’ami