Bertrand Vaudan, un bagnard qui construit en Amérique

Bertrand Vaudan est le directeur de Chalissima USA, entreprise qui réunit le savoir-faire provenant de trois entreprises entremontantes (Comina SA, Besson SA, Cretton SA) sous un même toît et qui l’exporte de l’autre côté de l’Atlantique. Le bagnard décrit la qualité du travail proposé, unique dans la conception et la mise en oeuvre de chalets en vieux bois, du stock de matière première à choix (le vieux bois) et de ce nouveau challenge d’adaptation professionnelle, familiale et culturelle.

Installé depuis 2016 aux États-Unis avec sa famille, à Glenwood Springs au Colorado, Bertrand Vaudan relève le défi original de la création, la gestion et le développement de l’entreprise CHALISSIMA USA. L’entreprise qui réunit sous un même toit le savoir-faire d’architectes, designers, menuisiers et charpentiers, provenant de trois entreprises entremontantes (Comina SA, Besson SA, Cretton SA), a obtenu après quelques mois d’exploitation ses deux premiers mandats, dont l’un fut mené à terme en 2018 : la construction d’un chalet en vieux bois suisse construit aux USA, mais élaboré en Suisse. Tout en mettant en avant les objectifs de l’entreprise, le bagnard a accepté de décrire les difficultés et satisfactions liées à ce challenge hors du commun. Il fait part également avec franchise du décalage entre idéalisme et réalité de la vie quotidienne aux États-Unis.

Bertrand Vaudan, fier d’avoir mené à terme le premier mandat de chalet en vieux bois construit dans le Colorado, à Aspen.

-Qu’est-ce qui vous a motivé à accepter ce challenge aux États-Unis ?

J’aime bien les challenges, j’étais associé dans un bureau d’architecture au Châble et me posais des questions quant au développement futur de notre entreprise. Quand j’ai appris qu’un groupe, piloté par Michel Cretton d’Orsières, s’intéressait à développer la construction de chalets en vieux-bois à l’étranger, en particulier aux USA, je m’y suis intéressé. En 2015,  nous avons fait deux voyages de prospection au Colorado, accompagnés du Swiss Business Hub de Los Angeles, qui est un organisme sous mandat de la Confédération qui a pour mission d’aider les entreprises à exploiter de nouveaux potentiels à l’international ( www.s-ge.com ). Suite à ces voyages, le groupe a été convaincu du potentiel de développement aux USA. Après discussion et avec le soutien de mon épouse, je me suis proposé pour partir, avec toute la famille, aux USA début 2016, afin de créer, gérer et développer l’entreprise Chalissima USA (après avoir passé les dédales administratifs pour l’obtention des visas nécessaires). Après quelques mois, nous avons obtenus nos deux premiers mandats. Le premier chalet en vieux-bois Suisse construit aux USA a été terminé fin 2018, un gros chalet de près de 1’000m2, pour lequel mis à part le gros-oeuvre tout a été pensé, dessiné, fabriqué par nos entreprises suisses, de la poutre du toit à la fourchette, en passant par la cuisine et les canapés.

-Quelles sont les motivations à la base de la création de Chalissima?

Le contexte et les perspectives économiques de la branche, suite à certaines nouvelles lois mises en vigueur en Suisse et à l’évolution naturelle du marché immobilier de montagne, ne s’annonçaient pas très positifs. Certaines entreprises locales ont investi depuis de nombreuses années en savoir-faire et en infrastructures pour se développer et maintenir, voir créer des postes de travail dans notre région, pour des gens de notre région. Il fallait anticiper et être pro-actif afin de maintenir ce savoir-faire unique dans le design et la construction de chalets utilisant des matériaux antiques et authentiques et les postes de travail liés : l’idée a été d’exporter ce savoir-faire, tout en gardant la force de travail chez nous.

Le chalet terminé , la joie peut éclater pour le team Chalissima ( Michel Cretton, Pierre-Henry Cretton, Thierry Schaer, Fabrice Délitroz, Bertrand Vaudan, Lucien Besson et devant couché Benoît Vaudan) venu sur place pour l’occasion.

-Pouvez-vous décrire l’entreprise Chalissima et votre travail ?

Chalissima réuni le savoire-faire d’architectes, designers, menuisiers et charpentiers, provenant de trois entreprises entremontantes (Comina SA, Besson SA, Cretton SA) et d’un individu motivé (moi…), sous un même toit. Un savoir-faire unique dans la conception et la mise en oeuvre de chalets en vieux-bois, mais aussi un stock de matière première, le vieux-bois, qui défie toute concurrence. Mon travail, en tant que directeur de Chalissima USA, a été d’abord de créer et mettre en place l’entreprise au niveau administratif, puis d’en faire la promotion, d’expliquer qui nous sommes et ce que nous faisons, dans un contexte, les USA, où tout ça n’existe pas et est complètement nouveau. Le vieux-bois que nous utilisons est souvent antérieur à la déclaration d’indépendance des USA. Puis, une fois le client convaincu, il s’agit de préparer le projet avec lui, coordonner avec les entreprises suisses, négocier et signer les contrats. Ensuite, organiser et suivre les travaux de construction, toujours en coordonnant le travail fait sur place avec celui préparé en Suisse, avec tous les challenges et complications dus à la langue et au système de mesure différents. A cela s’ajoute la gestion de la logistique : transport des matériaux de l’atelier en Suisse jusqu’au chantier au Colorado, leur dédouanement, leur stockage ( environ une trentaine de containers pour un chalet), gérer les ouvriers suisses qui viennent superviser la pose et engager des ouvriers américains. La logistique est une tâche pas si simple et qu’il ne faut pas sous-estimer.  Et bien sûr la gestion courante de l’entreprise et la recherche de nouveaux mandats.

Le premier chalet en vieux-bois suisse construit aux USA et de près de 1’000m2, pour lequel mis à part le gros-oeuvre tout a été pensé, dessiné, fabriqué par les entreprises suisses, de la poutre du toît à la fourchette, en passant par la cuisine et les canapés.

– Quelles sont les difficultés que vous rencontrez? Et les satisfactions ?

Les principales difficultés sont les différences de culture, de mentalité, de contexte entre la Suisse et les USA. Vivre, travailler, faire du business aux USA n’est pas comme y aller en vacances. Il ne faut pas sous-estimer les différences entre les deux pays, il faut réussir à les comprendre, les respecter et se plier aux règles… “ne pas débarquer avec ses grands pieds et croire qu’on va tout révolutionner parce qu’on est les meilleurs (même si c’est pas faux… 😉 )” Faire comprendre et accepter aux Américains la manière de faire suisse est compliqué, mais faire comprendre aux Suisses qu’il faut s’adapter au contexte américain n’est pas plus simple! On ne vend pas des montres, on construit des chalets, il y a énormément de coordination à faire et de synergies à trouver entre la partie suisse et la partie américaine. Cependant, la pose de la première poutre en vieux-bois taillé à la hache de l’histoire des USA a été un grand moment de satisfaction! Et puis la livraison du premier chalet à un client enthousiasmé compense toutes les difficulté et remises en question. Enfin, de voir que l’aventure continue, de voir des chalets “Chalissima” sortir de terre à plusieurs endroits du Colorado, d’avoir des demandes venant de New York, de Californie, du Texas ou d’ailleurs, ça fait plaisir!

L’équipe des ouvriers Avec Bertrand devant, sur le chantier au Colorado.

– Parlez-nous de votre vie aux Etats-Unis … les différences majeures que vous avez découvertes par rapport à la manière aussi de travailler en Suisse.

On voit les USA comme le pays de la liberté, de l’ouverture, des opportunités, des grands espaces, des voyages et paysages extraordinaires,…le rêve. Tout ça est vrai, mais quand on y vit, on voit évidemment les choses sous un autre angle, d’autres paramètres entrent en jeu. Les débuts n’ont pas été simples, mais j’ai eu (et j’ai toujours) la chance d’avoir un grand soutien de la part de ma femme, et petit à petit on fait son nid, comme on dit…La mentalité américaine est très différente de la Suisse, le contraste est plus grand que l’on pense. Si les gens sont très ouverts et accueillants au premier abord, cela reste assez superficiel. Difficile de se lier d’amitié. Certaines règles de société sont parfois aussi assez surprenantes et innatendues et m’ont quelques fois amené à mettre les pieds dans le plat : par exemple, si quelqu’un vous invite chez lui, on ne fait surtout pas la bise à madame (…et qui plus est 3 bises…) et on ne serre pas la main à monsieur, mais celui-ci vous prendra chaleureusement dans ses bras pour un bon “hug” avec une tape dans le dos. Il y a énormément de règles ou de codes de comportement, que ce soit au saloon ou dans la file d’attente du télésiège, qu’on apprend en faisant des erreurs…et en buvant quelques IPA. Cette expérience m’a aussi permis d’avoir le plaisir de recevoir les visites de plusieurs amis et membres de la famille, avec qui j’ai pu découvrir les USA hors des chemins battus, de manière différente qu’en suivant les grands axes touristiques. J’aurais d’ailleurs plein d’anecdotes à raconter, mais ça risque d’être un peu long, ou alors de faire des jaloux! Egalement de passer des moments inoubliables avec les ouvriers qui sont venus de Suisse faire quelques mois de travail au Colorado. La manière de travailler est très différente, et en ce qui concerne la construction de luxe dans les stations de montagne en particulier, la Suisse a une avance considérable. Ceci est dû au système de formation et à l’innovation Suisse. Les codes et réglements de constructions sont également passablement différents, au-delà du système de mesure. Mais encore une fois, il faut savoir s’adapter, tout en mettant en valeur ce qui fait notre force, le savoir-faire et la qualité suisses.

– Quels sont les futurs défis, objectifs, de Chalissima ?

Chalissima USA est toujours en phase de développement, nous n’avons pas encore atteint notre vitesse de croisière. Nous évoluons dans un marché de niche, dans un petit monde où l’on fait sa place avec le bouche-à-oreille. La concurrence est rude, car il y a beaucoup de monde qui gravite autour de la construction de luxe, mais nous avons cette chance d’être uniques, différents. Les objectifs futurs sont de continuer de se développer, dans les stations de skis mais également dans les grandes villes où l’intérêt se porte plutôt sur notre design intérieur. Les USA sont grands, le potentiel est énorme. Mais un des principaux défis sera de ne pas “sacrifier” nos valeurs et la qualité que l’on met en avant pour faire du chiffre d’affaire à tout prix. Mais pour ça je crois que nous sommes une bonne équipe qui sait garder les pieds sur terre.

Propos recueillis par Romy Moret

Découvrez plus d’infos sur le site web de Chalissima

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