Qui n’a jamais entendu énumérer les multiples ingrédients des röstis de la buvette du Plan de l’Au, les plus fameux du 027, ceux qui convainquent même les plus soucieux de leur ligne de faire un écart ? Ces fines lamelles de pommes de terre nappées de tout le cheni ( avec s ou sans ?, that’s the question !) ? La question cruciale est aussi de savoir si vous accompagnerez le cheni ( fromage, sauce tomate, lardons, oignon, chanterelles, jambon cuit… ) de saucisse ou pas ! Peu importe la faim, au Plan de l’Au il s’agit de faire fi des yeux qui seront de toute façon-pour le commun des mangeurs-plus gros que le ventre ! Nous les dirigerons plutôt vers le magnifique paysage qu’offre la terrasse sur la vallée du Rhône en direction du lac Léman. Outre un lieu épicurien en pleine nature sur le sentier du tour du Mont Blanc entre Champex et le col de la Forclaz, dédié aux produits du terroir, aux mets « simples » de chez nous, le Plan de l’Au c’est surtout une halte positive dans le quotidien, servie pas seulement par une ambiance, mais véritablement une famille entière, soudée dans le boulot comme dans la bonne humeur. On y vient pour manger à la « bonne franquette » dans un coin splendide, simple et chaleureux. On y vient pour rencontrer la patronne Marie-Clémence Duay, sa gouaille, son franc-parler, son humour et sa sympathie. Un savoureux naturel à la sauce bovernionne. Pas besoin de la carte, c’est décidé : un röstis tout le cheni avec saucisse, siou plaît !
« Avec papa, nous venions en vacances ici. C’était une simple maison, on gardait les chèvres, les vaches. C’est un lieu sentimental ! Papa est enterré juste à côté selon son vœu : il disait qu’ainsi il verrait arriver les Bovernions et les touristes depuis Bovine. » Ayant tenu pendant 24 ans un resto au Borgeaud, Marie-Clémence a jonglé avec les deux établissements dès 2001, date à laquelle elle a commencé à proposer une petite restauration au Plan de l’Au : “ Au départ c’était vraiment archaïque, puis nous avons amélioré, mis l’électricité. En 2008, j’ai lâché le café au Bourgeaud. » Depuis, Marie-Clémence propose ses fameux röstis tout cheni ou à composer, ses fondues et autres plats d’ici : « Toujours en famille. C’est la condition sans laquelle rien ne se fait. » Epaulée par Aurélie, Angélique, Emilie, Marie-Noëlle, Alain, elle ouvre son petit coin de paradis tous les jours l’été jusqu’au mois de septembre : « La clientèle est principalement composée des gens de la région, mais aussi des marcheurs du TMB. »
« J’ai un caractère de bovernionne. » Entendez par là : impulsive et spontanée ! « Je pars au quart de tour, mais ça dure trois minutes, le temps que l’orage passe. » Franche et directe, Marie-Clémence n’est pas née bovernionne, mais l’est devenue à force de les côtoyer : « Papa était d’Orsières, maman bagnarde. Moi j’ai le cœur bovernion, même si j’ai mes papiers à Martigny-Combe. » En résumé : « Je ne parle ni anglais, ni arabe, mais je me fais comprendre?”
« Un client un jour est parvenu à manger deux röstis tout le cheni et a terminé ceux de son ami. » Une autre anecdote pour digérer : « Certains clients vont boire le pastis avec l’eau de la fontaine. » Une exotique : « Un guide coréen venu avec ses clients nous a pris en photo avec les enfants de Marie-Noëlle pour nous placer dans des revues de par chez eux. » Une polémique : « Comment écrit-on cheni, sans rien, avec s ou t ? » Le débat fait toujours rage, mais sur la carte, Marie-Clémence surnommée « Marie tout le cheni » a choisi la simplicité… Et pour finir, en guise de dessert, un secret : « Les fameux röstis doivent leur nom fort sympathique au manque de mémoire de la patronne, qui ne se rappelant jamais ce qu’il fallait « mettre dessus » a convenu avec ses clients de se simplifier la tâche : « Je te mets tout le cheni ! » En ordre!
Romy Moret