Joël Jenzer met son nez dans les petites culottes

Après les dessous de l’affaire du Temple Solaire, c’est dans les dessous féminins que Joël Jenzer promène sa plume d’écrivain. Flairant l’intrigue policière dont il fit le scénario de son premier livre, en corrélation avec les meurtres de la secte survenus en 1994 à Salvan, Joël a quelques années plus tard senti le vent de l’actualité porter des interrogations multiples autour de la relation homme-femme, notamment autour de l’avènement de Me Too, enflammant non plus les chalets, mais cette fois-ci les débats. Il a troqué la peau du bienséant journaliste stagiaire, pour se mettre dans celle plus indécente de l’obsédé sexuel, dont le vice non moins intriguant se traduit par le fait de renifler les culottes de ces dames. Changement de décor certes, mais l’écrivain martignerain, à l’imagination débordante, sensible et rêveur, demeure toujours dans la position de l’enquêteur : il se plonge dans les méandres de la pensée obsessionnelle, en proie à des mécanismes pulsionnels dictés par l’addiction. Sans crainte de ne plus être en odeur de sainteté.

« Les gens vont à la Foire du Valais, se draguent, commettent des infidélités, mais lorsqu’on en parle, deviennent pudiques, voir pudibons et se renferment. »

Joël Jenzer, écrivain et journaliste

Avec ce deuxième bouquin, Joël Jenzer a voulu changer de domaine, même si son premier livre avait bien fonctionné. « On me connaissait par le biais du polar, mais j’ai toujours eu cette idée en tête, de me mettre à la place d’un obsédé sexuel et d’expliquer ce qu’il ressent. J’ai aussi voulu mettre en évidence la manière avec laquelle ce genre de gars peut être mis en marge de la société, alors que tout le monde pense à ça. Certains ne pipent mot, d’autres oui et ces derniers se font mal voir, alors que ce ne sont pas forcément les pires ! » Révélant une certaine hypocrisie ambiante, Joël s’étonne des réactions parfois pédantes et choquées de certaines personnes : « Les gens vont à la Foire du Valais, se draguent, commettent des infidélités, mais lorsqu’on en parle, deviennent pudiques, voir pudibons et se renferment. » L’écrivain ne pouvait échapper à la question de savoir s’il a lui-même vécu cet ostracisme : « On m’embête toujours en me disant : mais le narrateur c’est toi ! ce n’est pourtant ni une autobiographie, ni une auto-fiction. Quand bien même j’écris à la première personne et que mon personnage habite Sion, ce ne sont pas des choses que j’ai faites, mais je les sens (…) , je les mélange à ce que j’ai vu et que je connais par rapport à ma propre expérience en inventant d’autres choses. J’ai aussi lu beaucoup de témoignages sur internet… et puis, j’ai des copains…entre hommes, on parle ! » Ha bon ?

Un fantasme rebutant

« Je n’ai pas écrit un livre de cul, mais sur le cul: psychologique, sociologique. »

Joël Jenzer, écrivain et journaliste

« Je voulais éviter les clichés, style les bas résille, les porte-jaretelles ou talons-aiguille. Cet érotique soft. Je désirais parler d’une manie qui pouvait dégoûter mais aussi exciter les gens. Ce n’est pas le truc le plus dégueulasse, mais qui comporte toutefois un aspect rebutant. » Choix tactique de l’auteur : « Il fallait que le personnage soit mis en marge. Si j’avais pris un fantasme trop gentil-joli, il aurait suscité de la sympathie. Tant qu’à écrire sur un thème obsessionnel, autant que cela soit un peu trash. » Comme ces passages où le personnage pensent à des choses que le narrateur a choisi de ne pas censurer : « Car on y pense soi-même : » Des pensées crues, mais pas pornographiques : « Ce n’est pas ce que je voulais faire. Je n’ai pas écrit un livre de cul, mais sur le cul, psychologique, sociologique. Majoritaires, les lectrices me font souvent deux retours intéressants : tout d’abord qu’elles trouvent mon personnage attachant, car ce n’est pas un gars qui harcèle, mais qui se remet en question et qu’elles sont contentes de pouvoir se mettre dans la peau d’un homme, de voir ce qu’ils se disent entre eux et à eux-mêmes. Y a même des nanas qui me disent que mon livre n’est pas assez trash… » Sur fond de thème rigolo, léger, voire même loufoque, le livre s’interroge aussi sur notre rapport aux réseaux sociaux : « La nana qui se met en string sur insta, lorsqu’elle reçoit des commentaires style t’es bonne, elle s’offusque. Quel paradoxe ! »

Imagination débordante

Sorti en mai chez 180° éditions, « Serial sniffer » a valu à son auteur plusieurs invitations médiatiques d’abord en Suisse romande, puis en Valais : « Cela fait bizarre de se retrouver à la place de l’interviewé. Ce n’est pas toujours évident, car les questions sont souvent pièges, mais j’ai bien aimé l’exercice. » Journaliste de métier au Nouvelliste, le Martignerain dont le grand-papa exilé de Berne s’installa à la Bâtiaz, a fait ses premiers pas au quotidien valaisan après avoir rédigé la trame de son premier livre: « J’ai toujours écrit de la fiction bien avant d’être journaliste. Lorsque j’étais au collège, j’avais déjà créé des scénarios de court-métrage, puis j’en ai réalisé trois avec Canal 9. J’ai toujours bien aimé écrire des histoires : j’ai une imagination foisonnante, je suis un rêveur, toujours un peu dans la lune. Je me fais des films en permancence, j’ai plutôt trop d’idées que je dois trier… Mais je me rassure avec la citation d’un écrivain français dont j’ai oublié le nom : D’après moi, un écrivain qui a l’angoisse de la page blanche n’est pas un écrivain. »

Romy Moret

Serial sniffer, Joël Jenzer, 180° éditions, en vente dans les librairies, sur le site www.payot.ch , aussi en version numérique.

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