En ces temps incertains, perturbés par une pandémie inédite, nous sommes allés « prendre la température » dans six familles contaminées, confinées chez elles à Verbier, l’un des foyers du Covid-19. Dans les pas du médecin généraliste Hicham El Ghaoui ( 4 ème depuis la gauche, en compagnie de Myriam, Guy Ullens et leurs petits-enfants) basé au centre Médibagnes de la station (lequel, immunisé, consulte à domicile), nous avons pu rencontrer des malades du virus, atteints depuis plusieurs jours, dont un couple à peine rétabli. Avec franchise et beaucoup d’empathie, ils ont accepté de témoigner de cette épreuve difficile dans le but premier de venir en aide aux autres : en partageant la nature de leurs symptômes et leurs opinions au sujet du confinement, ils ont à l’unanimité la volonté de transmettre un message de sérénité, en appelant la population à pérenniser un comportement responsable, en adéquation avec les mesures édictées.
Tiré à quatre épingles, son sac de travail au dos, affichant un sourire et une décontraction tranchant avec la situation ambiante plutôt angoissante, Hicham El Ghaoui, médecin généraliste à Verbier, a modifié sa façon de travailler depuis que la pandémie s’est invitée au menu des pathologies : « La majorité de mes consultations concernent le Covid-19. Ayant contracté moi-même le virus et étant par conséquent immunisé, je me déplace quotidiennement aux domiciles de mes patients. » Appréciant l’aspect pratique de la démarche, mais surtout les effets collatéraux positifs de la visite, les malades sont reconnaissants : « Ils apprécient vraiment ce moment de partage et de discussion. » A l’image de Marie-Françoise Genoud qui, à 74 ans, est toujours tenancière active de l’hôtel de la Poste et se voit contrainte de rester chez elle : « J’ai la chance que mon fils habite en-dessus de chez moi. La visite du médecin est de surcroît toujours très attendue. » Confinées, certaines personnes ne bénéficient pas de la même configuration au niveau de leur entourage et se retrouvent carrément seules : je suis parfois l’unique personne qu’ils voient », déplore Hicham. Dans son appartement au Châble, Herminio Nunes se retrouve seul, infecté par le virus : « Habituellement, je suis entouré de mes proches, mais par précaution, ils sont partis s’installer à Martigny. J’ai certes souffert de symptômes assez forts, mais j’en ai vu d’autres», sourit-il, confiant, avouant qu’il souffre surtout à présent du confinement : « Je respecte à la lettre les directives, mais je n’attends plus que le moment de pouvoir ressortir comme avant.»
Les symptômes jouent les montagnes russes
Si les symptômes varient d’une personne à l’autre, ceux qui sont principalement évoqués sont la toux sèche, maux de tête, de gorge, de ventre, de nuque, fièvre, grande fatigue et problèmes respiratoires : « Les personnes peuvent présenter avec plus ou moins d’intensité l’un ou plusieurs symptômes ou… pas de symptômes du tout et être toutefois positif », met en garde Hicham, qui précise toutefois que la quasi-totalité de ses patients ont un point en commun : « Tous s’accordent à dire qu’ils ne vivent pas une partie de plaisir.»
Le couple Staheyeff: » Nous voulons aider! »
Une quinzaine de jours de galère, à l’image de ce couple installé à Verbier, aujourd’hui rétabli, dont la femme Christine Staheyeff, a vécu une épreuve très pénible en raison de la violence des symptômes: « Je suis reconnaissante de m’en être sortie », admet-elle sans hésitation. « J’ai vraiment été très mal, avec de la peine à respirer et dans l’incapacité de me lever. » Plus légers, les symptômes furent vécus moins douloureusement par son mari Nick qui demeure néanmoins prudent : « Nous sommes rétablis, mais nous observons encore toutes les mesures nécessaires. » Le but de leur témoignage se veut rassurant et empathique : « Il s’agit de faire comme on nous le demande, de respecter les mesures et tout ira bien. Nous voulons surtout rassurer les gens en leur expliquant ce qu’ils peuvent ressentir. Si l’on tombe malade, la seule chose à faire est d’attendre que ça passe. Maintenant que cette épreuve est derrière nous, nous aimerions pourvoir aider les autres. Nous nous mettons donc à disposition. »
Camilla : « Stay at home ! »
Dans le chalet de la famille norvégienne de Camilla Astrup, la tempête est à peine en train de se calmer, mais elle a laissé des traces et menace de ressurgir : « C’est très violent, très éprouvant physiquement. Alors qu’on croit que l’on va mieux, on est à nouveau assailli par une nouvelle vague. Il est difficile de pouvoir affirmer que l’on est guéri, car on ne sait pas vraiment si c’est le cas. On peut se sentir bien un jour et anéanti le lendemain. » C’est pourquoi elle estime que le message de la part des autorités devrait être plus clair, plus strict : « Il est nécessaire de rester plusieurs jours à la maison après une amélioration pour être certains d’être débarrassés. Il ne faut pas penser que nous sommes immunisés simplement parce que nous allons mieux pendant quelques jours. » Preuve de ce qu’elle avance, trois semaines après avoir été contaminée, elle est toujours testée positive : « La situation est suffisamment sérieuse et exceptionnelle pour que nous nous lancions tous cet ordre : Stay at home ! »
Guy Ullens : l’exception qui interpelle
Chez les Ullens, on se rétablit tranquillement, après plus d’une quinzaine de jours carrément « terribles » mais devant un panorama à couper le souffle : « Il y a pire comme lieu de confinement, reconnaît Myriam, la sympathique maîtresse des lieux, qui, la santé revenant, s’autorise à sourire de la situation : « Mon époux Guy, à 85 ans, est la seule personne à risque dans la famille : ironie du sort, c’est le seul qui n’est pas touché ! » Preuve s’il en faut que le virus est sournois, sans véritable règle. Ce phénomène troublant n’a d’ailleurs pas manqué d’interpeller notre médecin : « Qu’il ne soit pas atteint est déjà en soi étonnant, mais cela le serait davantage s’il l’est et ne présente pas de symptôme du tout. » Les tests n’étant pas systématiques, cette marge de « flou artistique » laisse planer le doute. Et dans le doute mieux vaut s’abstenir : « Nous limitons nos sorties au strict minimum », affirme le couple d’entrepreneurs belges.
Philippe Rossier : « Il me faudra du temps »
Même son de cloche au Châble chez Philippe Rossier qui, malade depuis plus de deux semaines, a contaminé l’un de ses fils, mais dont la femme ne présente pas à ce jour de symptômes. « On ne sait pas vraiment, donc on reste prudents. » Fort malmené par le virus, Philippe avoue avoir passé de « sales quart d’heures » : « Je n’ai heureusement pas dû subir ses fameuses sensations d’étouffement qui m’auraient vraiment angoissé, mais je suis resté plusieurs jours avec beaucoup de fièvre au lit. » Très affaibli, il a esquissé quelques pas dehors, mais sans grand allant : « Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour me remettre complètement de cette histoire. »
Romy Moret