La Ville de Martigny et l’Association des Auberges de Jeunesse Suisses (AJS) ont officiellement inauguré l’Auberge de Jeunesse Martigny-Bourg le 29 mars dernier. Installée dans le Bâtiment de l’Horloge, un édifice classé datant de 1645, cette nouvelle structure propose un hébergement de qualité pour les voyageurs individuels, familles et petits groupes. Après deux ans de travaux de transformation, cette ouverture marque une étape importante dans l’offre touristique de la région.




Un projet abouti au cœur du Bourg
Le Bâtiment de l’Horloge, propriété de la Ville, a été entièrement rénové sous la direction de l’architecte Nicolas Coutaz (atelier iT) pour accueillir cette nouvelle auberge. Réparties sur deux niveaux, les 14 chambres offrent 48 lits, toutes dotées de salles d’eau privatives. Une salle de petits-déjeuners, une salle de jeux, deux espaces de séjour, un local à vélos et une réception complètent l’équipement. L’auberge s’inscrit pleinement dans la dynamique de la ville, comme l’a souligné la présidente de Martigny, Anne-Laure Couchepin Vouilloz : « Cette auberge est à la hauteur de notre tradition d’accueil. Elle s’inscrit dans une ville de passage, de croisement, où l’on s’arrête, où l’on se retrouve. » L’établissement, partiellement accessible aux personnes à mobilité réduite, se veut fonctionnel et confortable tout en respectant les contraintes patrimoniales. Les éléments historiques comme les voûtes, les escaliers et les sculptures décoratives ont été restaurés en collaboration avec des spécialistes de la conservation.
Une offre complémentaire pour le tourisme local
Avec cette auberge, Martigny renforce son positionnement de destination accessible, bien desservie et ouverte toute l’année. La structure sera ouverte jusqu’à fin octobre, puis durant la saison hivernale, de fin novembre à avril. Selon les estimations de l’AJS, environ 4500 nuitées devraient être enregistrées durant la première année. L’auberge complète ainsi l’offre existante : « Martigny comptabilise 117’000 nuitées par an, 11 hôtels, des campings, des maisons d’hôtes. Il manquait une offre comme celle-ci, abordable, vivante, accessible », a affirmé la présidente de Martigny, lors de l’inauguration. À noter que l’absence de demi-pension est volontaire : les hôtes sont invités à découvrir les établissements alentours, créant ainsi un lien direct avec l’économie locale.
Une initiative rendue possible par Léonard Gianadda
Ce projet ambitieux a pu voir le jour grâce au soutien de Léonard Gianadda et de la Fondation Léonard Gianadda Mécénat. Initié en 2021 à la suite d’une conversation entre Léonard Gianadda et le vice-président de la Ville de Martigny, David Martinetti, le projet prend forme autour d’une intuition simple mais visionnaire : restaurer le Bâtiment de l’Horloge pour en faire une auberge de jeunesse, infrastructure manquante dans l’offre touristique locale. Caty Darbellay, vice-présidente de la Fondation Léonard Gianadda Mécénat, a retracé avec précision les étapes de ce mécénat exceptionnel. Elle rappelle que quatre devis successifs ont été présentés à Léonard Gianadda, qui les a tous acceptés malgré une augmentation des coûts importante, portant le montant total de son engagement à quatre millions de francs. Deux millions ont été versés à titre personnel, deux autres par la Fondation. « Le résultat est un tourbillon de millions, mais dédiés à un magnifique projet auquel Léonard tenait tout particulièrement. » Elle a aussi souligné la portée symbolique du lieu : « Une auberge de jeunesse, c’est un point de passage, un carrefour. C’est un puzzle humain. Et c’est précisément ce que Léonard voulait soutenir : les rencontres, l’ouverture, la transmission. » Elle a aussi souligné que la Fondation Léonard Gianadda Mécénat, créée en 2019, vise à pérenniser cette philosophie d’action culturelle, sociale et locale. « Il disait : la plus grande richesse se trouve dans le partage », a-t-elle conclu.


Martigny et ses auberges : une histoire de retrouvailles
L’Auberge de Jeunesse Martigny respecte les standards environnementaux du réseau AJS, qui depuis 1994 ancre la durabilité dans sa stratégie. Lors de la conférence de presse d’inauguration, Janine Bunte, CEO des Auberges de Jeunesse Suisses, a souligné que cette ouverture représente bien plus qu’une extension de leur réseau : « Ce bâtiment à l’histoire particulière symbolise non seulement le développement de notre réseau, mais incarne aussi nos valeurs fondamentales : ouverture, communauté et tourisme durable. » Elle a rappelé que les AJS sont issues d’un mouvement centenaire, né au début du XXe siècle à une époque où voyager était un privilège. Pour l’anecdote, l’histoire des auberges de jeunesse à Martigny remonte à 1933. Après plusieurs emplacements successifs, la dernière auberge avait fermé ses portes en 1991 ( lire encadré historique). Avec cette nouvelle ouverture, Martigny retrouve une structure adaptée aux standards contemporains tout en renouant avec une tradition d’accueil. Janine Bunte a donc salué l’aboutissement d’un projet emblématique : « Cette auberge vient combler une absence de plus de 30 ans dans la région. Elle répond à un véritable besoin local. »
Romy Moret
Une tradition d’accueil bien ancrée
Martigny entretient une longue relation avec les auberges de jeunesse. Dès 1933, une première structure apparaît dans l’annuaire officiel des AJS : un hébergement saisonnier aménagé dans une école, proposant 30 lits (15 pour les filles, 15 pour les garçons) durant l’été. En 1949, une auberge ouvre au Collège communal, près de la Place Centrale, avec une capacité portée à 100 lits. Puis, dès 1978, c’est la route du Levant qui accueille une auberge atypique : logée dans un abri de protection civile surnommé « le blockhaus ». Entre 3000 et 3500 nuitées y sont enregistrées chaque année. En 1985, une nuit y coûtait 6 francs 50 pour les détenteurs de la carte AJS. Cette structure fermera en 1991, jugée inadaptée aux standards modernes. Jusqu’en 2004, la Ville assurera une transition sous forme de gîte communal. L’ouverture en 2025 de l’Auberge de Jeunesse Martigny-Bourg s’inscrit donc dans un retour assumé à cette tradition, enrichie par les exigences actuelles d’accessibilité, de durabilité et de confort.
L’INTERVIEW
Anouk Moret, le visage de l’auberge

« Je veux que les gens se sentent bien, mais surtout que l’auberge fasse partie du quartier, qu’elle ne soit pas juste un lieu de passage, mais un lieu vivant. »
Anouk Moret
Anouk Moret connaît Martigny-Bourg de l’intérieur. Elle y a grandi tout près, à Fully, mais c’est dans le Bourg même qu’elle a tenu une crêperie durant quelques années. « C’est un quartier que j’aime profondément. Il y a une vraie vie dans sa rue, des commerçants impliqués, un esprit de village. » Aussi, lorsqu’elle apprend que l’Auberge de Jeunesse allait s’installer dans le Bâtiment de l’Horloge, la décision est immédiate : « J’ai postulé tout de suite. C’était évident. » Son parcours est en effet marqué par la mobilité et l’accueil. Ancienne hôtesse de l’air, elle a sillonné les pays, dormi dans des auberges, compris ce qu’un lieu peut offrir à celui qui s’y arrête. La restauration, elle connaît également. L’organisation tout autant. Elle parle plusieurs langues, aime les visages de passage et les liens durables. « J’ai toujours aimé les endroits vivants, mais à taille humaine. »
Faire rayonner le Bourg
Depuis février, elle gère avec l’aide de ses deux employées l’auberge. « Je prépare les petits-déjeuners, je fais le ménage, je réponds aux mails, je traite les réservations, je m’occupe des groupes. Je fais aussi la communication. C’est très complet. » Elle travaille aussi parfois depuis chez elle, avec son ordinateur portable. Chaque journée est une combinaison mouvante d’actions concrètes et de contacts humains. Son attachement au quartier représente plus que des souvenirs ou une ambiance sympathique : c’est une volonté de s’y inscrire. « Je veux que l’auberge rayonne, mais en synergie avec l’écosystème du quartier. Qu’elle permette de faire connaître le Bourg. J’ai du plaisir à toujours recommander les restaurants, les boulangeries, les balades du coin. On a tout ici. Et j’adore quand les gens découvrent ce petit monde. » Elle crée naturellement des liens avec les autres commerçants, met un point d’orgue à faire partie du tissu local.
« Chaque jour est différent »

Au fil des semaines, l’auberge et Anouk se sont d’ailleurs parfaitement adaptées au rythme du Bourg. « Le matin, les voisins me saluent, on me reconnaît. C’est ce que je voulais : que l’auberge soit intégrée au quartier. Qu’elle vive avec lui. » Elle accueille un public varié. Des familles, des randonneurs, des cyclistes. Beaucoup de Suisses allemands, quelques Italiens, des Polonais, des Tchèques. « C’est très mélangé et c’est ce que j’aime. Chaque jour est différent. » Tenir une auberge demande une certaine attitude, fait-elle remarquer. « Il faut être organisée, rigoureuse, avoir du calme. Cela demande d’être à l’écoute, de savoir s’adapter. C’est une activité à la fois physique et mentale. Enfin, je crois qu’il s’agit par-dessus tout d’aimer les gens, tout en sachant poser un cadre. » Quant à son objectif, il est simple : « Je souhaite que les gens se sentent bien ici. Qu’ils repartent contents. Qu’ils aient envie de revenir ou de recommander le lieu. »
Romy Moret