Fred Délez, le rêve devenu réalité

« À 12 ans, je me suis dit: Je veux faire ça comme travail »: il en rêvait, c’est arrivé: en mai 2019, Fred Délez a été désigné comme successeur de Nicole et Serge Moret à la piscine et la patinoire de Martigny. Il avait pris goût au métier en tant que jeune ado à la piscine et est depuis devenu un restaurateur respecté de la ville. Interview conte de fées.


Qu’est ce qui t’a amené vers la piscine et la patinoire?
C’est vite vu, je suis né à côté de la Pizzeria d’Octodure, à la villa Kunz: j’ai habité là cinq ans et la piscine était dans le quartier. C’est Papa et Maman qui nous ont donné l’envie, Papa nous amenait patiner et nager, j’y suis donc allé en famille d’abord, et plus tard avec les copains. J’ai connu Céline (la fille de Nicole et Serge) comme ça. Je lui ai demandé pour travailler, elle a discuté avec Nicole et elle a dit: «Faut qu’il vienne me voir!» Au début j’avais 11-12 ans, c’était kiosque, glaces et tout le tralala. Petit à petit, Serge commençait à me dire: «Mais tu sais bien faire. Tu sais trop bien faire!» Alors une fois Nicole m’a demandé: «Tu veux pas commencer à mener les assiettes sur la terrasse?» Elle trouvait que j’étais à l’aise, que j’aimais discuter avec les gens, alors après elle m’a proposé de venir derrière le bar. C’est comme ça qu’on a commencé à bien se connaître. Pour moi, ils sont devenus plus des amis que des patrons. Quand t’es gamin, t’as pas de patron de toute façon, dans ta tête. Et voilà, on s’est côtoyé souvent, puisque j’étais aussi dans les parages l’hiver, les mercredis et dimanches à la patinoire, où je bossais aussi. Alors c’est venu naturellement, on a créé des liens forts avec Serge et Nicole. Au début, je faisais que le kiosque, on était pas assez grands pour faire la caisse avec Céline (Moret), Sarah (Monnet), et Blaise (Crettex). Celles de «l’ancienne volée», Audrey Ruddock, Christelle Moncalvo, Séverine Lovey, les plus grandes, étaient plutôt au bar et au service, c’était Danièle Casanova et Aline Chabloz. Donc le matin on aidait à la préparation, en allant remplir les bouteilles de ketchup, laver la salade, blanchir les frites, avec Micheline Riviello et Madame Poli. Mettre en place la cuisine, préparer les tables, tout ça. Ces petites activités m’ont fait aimer le boulot de l’hôtellerie; quand t’es petit, faire les choses que t’as envie, que t’aimes, ça reste. Voilà, donc en tout j’ai bossé six ans je pense, jusqu’à ce que je commence l’apprentissage au Restaurant du Léman. 

Comment étaient Serge et Nicole en tant que patrons? 
Mais trop bien. Quand t’es gamin, t’as le respect. Avec le recul, l’apprentissage de la vie était là, même si tu te rends pas compte sur le moment. L’ambiance était familiale, c’était la même chose qu’à la maison avec eux, comme avec mes propres parents. Y a jamais eu de mots plus hauts que d’autres, bon, sauf des engueulées quand il fallait… Avec eux, ça a été que du plaisir. D’ailleurs, on relaterait pas ces histoires si y avait pas eu de plaisir.

-Le mieux pour toi, c’était la piscine ou la patinoire?
On aimait mieux la piscine, on était toujours à l’air libre. Pour nous c’était le sommet du sommet! Même quand il pleuvait, avec Céline… les deux crétins ici: on était les seuls dans l’eau! On avait aussi fait des t-shirts pour bosser, dans le jardin en bas chez Nicole et Serge, je me rappelle bien, sur la table en fer, pendant la pause. Sarah, Céline et moi, on s’était acheté des t-shirts blancs, des feutres, je sais même plus le texte. Des conneries, des dessins, et on le faisait signer à tout le monde. Aussi pendant les pauses, on allait en ville, acheter des habits Waikiki… et les fameuses pantoufles! Ça, ils nous voyaient souvent, chez Kae! C’est à cette époque que Nicole m’a fait découvrir la marque Oxbow, que j’ai toujours aimée. Elle m’a aussi offert ma première montre Scuba, je vivais! Je l’ai mise pendant cinq ans je pense! Le premier cadeau de ma patronne, avec un t-shirt Oxbow. 

Tes souvenirs, bons ou moins bons, du temps de la piscine?
Le «Monsieur des Bonbons»! Un tout vieux monsieur qui livrait les bonbons… il avait cent ans, il travaillait encore celui-ci! Un jour, il a tout laissé tomber au milieu de la route, les boîtes de bonbons à moitié ouvertes, hum, on s’est dépêché de tout ramasser pour pas que les gens voient trop! De mon côté, j’ai renversé une saucisse de veau avec frites sur un monsieur un jour. Tu penses bien que Danièle a pas oublié de m’en reparler par après! «T’avais l’air malin!»… Affreux ces situations, t’es violet, tu sais plus que faire! Et c’est à la piscine que j’ai commencé à faire un peu la cuisine. Micheline disait: «Viens, je t’explique comment faire les pâtes.» C’était après le service de midi, elle restait pour faire les lasagnes et les fettuccine maison. Elle disait: «Demande si tu peux rester!» Alors Nicole appelait Maman: «Fred, y reste là pour faire les pâtes». J’aimais la vie de bistrot, j’ai toujours aimé. Je faisais tout ça avec plaisir et avec envie, avec le cœur. Mais je savais pas que j’allais aimer, j’ai su en le faisant. Tu te rends pas compte si tu vas apprécier ou pas. Après, c’est quand j’ai commencé le cycle d’orientation que je me suis dit: «Je veux faire ça comme travail.» À 12 ans j’ai donc dit à Maman: «Je pense qu’un jour je serai patron à la piscine.» Sa réponse: «Toi, commence déjà par étudier à l’école pis après on discute!!» Je voulais même plus aller en vacances tellement j’avais envie d’être au boulot, j’avais trop de plaisir. Même quand on était au chalet, mes parents me ramenaient en bas à la piscine le matin!

-Et du côté de la patinoire?
J’ai toujours été aux matches de hockey du HC Martigny, depuis tout petit. Devant le plexi, avec Papa-Maman derrière, je bougeais pas une oreille. J’étais en rouge et blanc des pieds à la tête, avec tout l’attirail. La Guggen existait pas encore. Y avait Spichiger de la Guggen de Vionnaz, il jouait de la grosse caisse, nous on vivait parce qu’à Martigny y en avait pas, de Guggen. On en a donc fait une. On a animé un peu la patinoire pendant un temps. J’ai aussi ce souvenir, je revois bien Charlot (Charles-Albert Favre), qui entre dans la cantine avec Michel Imboden, et qui nous fout six fois de suite «Le Petit Pain Au Chocolat» de Joe Dassin, dans le juke-box, à tue-tête. On devait brancher le son depuis derrière, on arrivait jamais! Y avait aussi un vieil appareil à cassettes, relié sur la glace, quand on le branchait pour les gens qui patinaient, ils vivaient! Ils nous demandaient de mettre un peu plus fort, alors nous on faisait… pour la grande joie de Nicole qui, quand elle arrivait nous disait: «Maintenant c’est quoi ce commerce, vous m’éteignez cette vioule ou bien!» 

Comment t’es-tu préparé pour succéder à Serge et Nicole en tant que tenancier de la piscine et de la patinoire?
J’ai pas fait un grand dossier. J’ai juste répondu à une annonce qui cherchait un tenancier. J’ai fait une lettre, quand ça a passé dans le Bulletin et le Nouvelliste, point final. J’y pense depuis tout petit, j’ai toujours dit que je voulais être le patron de ces établissements, c’était vraiment un rêve pour moi. Alors j’ai juste expliqué que je ferais tout pour conserver ce qui a été fait, pour que ça reste un endroit convivial, chaleureux, et j’ai parlé un peu de mon expérience, en joignant une copie de mon CFC de cuisinier, une de mon CFC de sommelier, et une de ma patente, tout simplement. 

Le 1er septembre dernier Fred et sa soeur Valérie Luisier sont venus prêter main forte à Nicole et Serge lors de leur dernier jour de travail.

-Prévois-tu de grands changements?
À la piscine, j’aimerais pouvoir ouvrir le resto le soir, avec une autre carte que la carte standard du midi. Le soir, j’aimerais faire que des caquelons. J’imagine assez avoir par exemple un orchestre le vendredi, enlever deux-trois tables, faire la raclette et quelques animations. Mon idée pour la terrasse, ce serait de mélanger tables hautes et tables basses, tout dans le même style. Je vois bien aussi un coin un peu plus cosy, avec des canapés par exemple. Niveau boissons, je pense avoir de la bière à la pression, deux-trois sortes, au gré des saisons et des souhaits des gens. À la patinoire aussi j’aimerais faire à manger, avoir une carte de mets au fromage, plusieurs sortes de fondues, des assiettes valaisannes, des trucs simples. Les premières saisons, les locaux vont rester comme ils sont, y aura probablement des travaux plus ou moins conséquents par la suite, on verra quoi-comment. En attendant, ça sera sûrement un peu des réarrangements temporaires. Mais c’est un bon espace de travail. De toute façon, tu t’adaptes à tout. Ce qui compte vraiment, c’est la personne qui est là, l’équipe qui est là, rester honnête, rester sympa, ouvert, joyeux… et ça peut que marcher. Si tout est refait, après, le concept sera peut-être totalement différent. Faudra voir. La première année, je pense que je serai derrière pour faire les recettes avec un aide de cuisine. Des mets de piscine, des mets de vacances. Mais je vais sûrement devoir être un peu partout!


42 ans de service pour Nicole et Serge (depuis 1977), ça t’inspire quoi?
Pour moi c’est incroyable, j’ai pas de mots. Tu t’imagines aujourd’hui… plus personne va faire ça! C’est improbable, les jeunes maintenant changent souvent de boulot. Pis c’est juste magnifique d’avoir pu tenir le coup avec toutes les évolutions, tous les changements de la vie, et les conditions de travail, les aléas de la météo… Il a fallu tenir la baraque!

Propos recueillis Par Céline, Benjamin et Benoît Moret

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