Anaïs Vermot, corps à cœur

Dans son cabinet TerapYa à Sion, Anaïs Vermot, ancienne éducatrice de rue devenue thérapeute, tisse un accompagnement singulier, entre souffle, science et sincérité. Rencontre.

Anaïs Vermot : « Le corps, lui, ne ment pas. Il dit ce que les mots parfois ne peuvent pas. »

Anaïs Vermot, ancienne éducatrice de rue, devenue thérapeute indépendante a fondé le projet TerapYa, un cabinet installé dans la vieille ville de Sion. Son parcours s’apparente à une bifurcation. Ou plutôt un métissage de ses années sur le terrain, en foyer, dans la rue, dans les structures d’urgence : elle en a gardé la présence, la souplesse et cette conviction : « Les jeunes, on ne les rencontre pas entre quatre murs, mais là où ils vivent ». Après le Covid, le paysage a changé. « On voyait moins de jeunes dans les rues, car ils avaient trouvé d’autres refuges. S’enfermer chez eux ou rester devant les écrans. De mon côté, je tournais un peu en rond dans mon job. J’étais confrontée à trop de hiérarchie, de protocoles, pas assez d’élan, de spontanéité…  » Par conséquent, Anaïs fait le pas. Déjà formée en thérapie cognitive comportementale (TCC) à l’Université de Genève, elle approfondit sa pratique du yoga à travers diverses formations et développe une approche qui relie corps et esprit, posture et parole, respiration et réflexion. « Je voyais bien que certains ados avaient déjà eu quinze éducs, quinze psys, et qu’ils récitaient des discours tout prêts. Il manquait un endroit où le corps puisse s’exprimer, où il pouvait entrer dans la danse. »

Un cabinet entre deux mondes

Le cabinet qu’elle partage avec son mari, praticien en shiatsu, est à l’image de sa méthode : hybride. Deux fauteuils, une table, un immense tatami au sol. Selon les besoins, on parle, on bouge, on respire. « La première séance, c’est une cartographie. Je demande ce qui résonne le plus : le besoin de comprendre, ou celui de lâcher prise. » Anaïs travaille avec des adolescents mais aussi avec des adultes. TOCS, troubles anxieux, deuils, burn-out… Ses patients ont entre 13 et 40 ans. Elle reçoit parfois des mandats institutionnels, comme cette adolescente suivie sur décision d’un juge, pour qui elle a adapté l’approche TCC hors des murs : « La voir dans le cabinet était trop confrontant. On est allées marcher en ville, parler, respirer. Petit à petit, la confiance s’est installée. »

Bouger les lignes, littéralement

Ce qu’Anaïs propose, ce n’est pas un protocole figé. C’est une forme d’artisanat thérapeutique. Un jour, elle sort un exercice de visualisation ; le lendemain, elle enchaîne sur de la psychoéducation. Elle raconte une situation qui image bien sa manière de fonctionner : « Cette jeune femme avait une peur irrationnelle de ruiner sa famille si une lumière devait rester allumée. Alors je lui ai demandé de contacter un électricien, afin de comprendre comment cela marche techniquement. Elle a vu que l’impact était minime. On déconstruit pas à pas les peurs avec des outils concrets. » Les troubles obsessionnels sont parmi les problématiques qu’elle aborde, comme avec cette patiente obsédée par le frigo : « Il pouvait lui arriver de rentrer du travail pour vérifier qu’il était bien fermé. On a mis en place une exposition graduelle, avec journal de bord, échelle d’anxiété. Au bout d’une semaine, la peur a baissé. » Elle sourit : « C’est ça, la TCC. On expérimente pour finalement se rendre compte que la peur est souvent un tigre en papier. »

Le souffle comme clef

Mais là où son approche prend toute sa singularité, c’est dans l’alliance avec le corps. Anaïs n’utilise pas le mot « yoga » comme une fin, mais comme un vecteur d’ancrage et de transformation. « Quand on est stressé, on ne respire plus. On ne sent plus son ventre. Avec une main posée, déjà, quelque chose se remet en mouvement. » Elle parle du trataka, cet exercice de concentration où l’on fixe une flamme, ou un point immobile, sans cligner des yeux. « C’est tout l’inverse du téléphone, où les stimuli changent toutes les secondes. Là, tu restes. Tu reviens à toi. » Avec les jeunes, elle utilise des récits, des jeux, des postures adaptées. Elle évoque ce garçon de dix ans, rejeté par son père, incapable de tenir en place plus de dix minutes : « Mais avec le yoga, il a tenu 45 minutes. On racontait une histoire, il enchaînait les mouvements. C’était sidérant. Il était là, pleinement là. »

Redonner la main

Ce qu’elle offre, au fond, c’est un espace de réappropriation. Pas de magie, mais une série d’outils, testés, intégrés, parfois rejetés, parfois adoptés. « Je n’ai pas la baguette magique, mais plutôt un éventail de solutions à disposition. Trois outils sur six suffisent parfois à changer une vie. » Elle parle d’une jeune femme qui se disait « grosse » et ne mangeait plus. « Quand je lui ai demandé si elle se trouvait grosse, elle a dit non. Alors qu’est-ce qui compte ? Ton regard ou celui des autres ? » Sa démarche repose sur une idée simple mais puissante : on peut apprendre à voir autrement. Et souvent, c’est le corps qui montre la voie. « L’émotion a une texture, une posture, une empreinte. Quand on la sent, on peut commencer à la transformer. »

Ni psy, ni coach

Anaïs refuse les étiquettes : « Je suis un peu entre deux mondes. Éduc, thérapeute, yoga. Ce que j’aime, c’est quand ça vit, quand ça bouge, quand c’est fluide. » Elle cite une phrase : « Souvent, on pense que la thérapie, c’est parler de son passé. Moi, je travaille sur le besoin du jour. » Elle revendique aussi une approche humble, en construction permanente. Elle prépare parfois ses séances en détail, mais sait aussi improviser : « Avant, je préparais des heures. Maintenant, je viens avec mes post-it et je m’adapte. » Elle termine par une image simple : celle du carrefour. « On croit parfois qu’on est coincé et qu’on ne peut pas faire autrement, mais il y a toujours un embranchement, un angle mort, une issue, à chaque instant. Parfois, il faut juste poser un regard différent et oser sortir des sentiers battus pour en créer d’autres, plus adaptés. C’est ça, mon travail : tenir la lampe, pas forcément dicter le chemin. »

Romy Moret

Ateliers :  « Mieux vivre le stress & l’anxiété : un pont entre le corps et le mental » , les jeudis 9-16-23 octobre de 20h à 21h30, Rue de Savièse 10, Sion. Infos et inscriptions : 079 954 14 52

terapya.ch

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