Pascale Rocard : polymorphies de l’amour  

Comédienne, autrice et photographe installée à Verbier, Pascale Rocard signe « L’objet de votre amour », un projet merveilleux qui a donné vie à une exposition à la Belle Usine de Fully, ainsi qu’un livre publié aux éditions Slatkine. À travers des portraits sensibles et des textes vibrants, elle capte l’élan du lien amoureux de 42 couples avec justesse, simplicité et tendresse.

Dans la lumière douce de sa maison construite et aménagée par ses soins à flanc de montagne, Pascale Rocard laisse voguer ses émotions, entre deux confidences et le partage de la genèse d’un projet qui lui vient du cœur. C’est peut-être l’atmosphère incroyablement harmonieuse de ces lieux dans lesquels elle a mis son âme, entre objets recueillis lors de ses voyages et photographies de ses proches qui rappellent sur chaque mur l’importance de la famille et de l’amitié, qui l’inspire autant. Des valeurs qui portent Pascale dans ses gestes, dans tous les recoins de sa vie. Elles lui ont permis de mener de front sa carrière d’actrice française reconnue, puis celle polyartistique entamée après la rencontre qui a élargi encore son horizon, avec celui qui allait devenir son mari, Pierre-Antoine Hiroz. Animée par l’enthousiasme constant des petites choses qui racontent les grandes, les rencontres impromptues qui donnent un tournant neuf et les amitiés de longue date qui sécurisent tendrement, Pascale dans ses créations rassemble. Les gens, les émotions, les fragments d’existence. Elle crée ce que beaucoup cherchent sans toujours le nommer : un espace de vérité. Le sien d’abord, pour magnifier ensuite celui des autres.

L’objet totem

Depuis une année, cette comédienne, autrice, réalisatrice et photographe conjugue tous ses talents dans un projet qui marie douceur et authenticité: un livre de portraits croisés de couples, mêlant textes et images. Une œuvre à la fois intime et universelle, où l’on découvre des visages lumineux, des anecdotes secrètes et une mise en lumière précieuse : celle de la complicité comme terre d’accueil. « J’ai toujours écrit », confie-t-elle avec cette voix directe, ronde de sincérité. « Mais cette fois, j’ai eu envie de croiser les langages. D’associer le regard et la parole, d’attraper quelque chose de l’élan amoureux, de l’énergie du lien. J’ai voulu capter ce qui unit, ce qui fait tenir. » Dans ce projet photographico-littéraire, Pascale Rocard compose avec une matière vivante : celle des couples qu’elle connaît, qu’elle aime, et qui, tous, ont accepté de se laisser approcher, sans fard ni scénario. Pas de maquillage, pas de mise en scène. « Je voulais que ce soit brut. Juste eux, là où leur lien respire. » Avant de sortir son appareil, elle prend le temps. Elle écoute, elle questionne, elle dîne avec eux parfois, sent les vibrations, le tonus de l’histoire commune. À chacun, elle pose une question simple : Quel objet symbolise votre lien ? Une clé, une plante, un bol, une photo… autant de totems porteurs de mémoire qui s’invitent dans les images. « L’objet, c’est le prétexte pour dire l’amour. Pour dire ce qui reste, ce qui fait force. » Le résultat ? Des images sincères, des textes sensibles. Des couples qui nous ressemblent. Des visages où l’on se reconnaît. Et un hommage à l’amour dans ce qu’il a de plus concret, de plus fragile et lumineux à la fois.

La photographie en héritage

L’image, chez Pascale Rocard, n’est pas qu’un outil de création. C’est une empreinte filiale. « Mon grand -père était photographe des armées en 1914. J’ai grandi dans une maison où le regard était déjà une manière de dire l’amour. » Il y a, dans ses clichés, une lumière tendre, jamais crue, un naturel respecté. Elle capte les silences, les regards échappés, les mains qui s’effleurent. Ce n’est pas une mise en scène, c’est une mise au monde. La première exposition qu’elle fit naît presque par hasard, un matin d’au revoir. Pierre-Antoine, son compagnon, part pour un tournage : la grande traversée des Alpes. Elle le photographie avec un Polaroïd, puis écrit un haïku. Le lendemain, elle recommence. Un mois plus tard, elle réalise qu’un livre d’amour est né, à son insu : Un mois sans toi. De là, l’idée d’en faire une œuvre se forme. Elle fait appel à une calligraphe parisienne, ajoute des enluminures, photographie le tout. Cela devient une lettre d’amour longue de 13 mètres, exposée au musée de Bagnes en 2019. « C’était un geste pour lui. Mais j’ai compris que c’était un langage à part entière. »

Mettre des mots sur l’élan à deux

Au cœur de cette nouvelle exposition qui fut montrée au Grand Rex à Paris le 14 février 2025, il n’y a pas que l’image. Il y a aussi les mots. Et pour Pascale Rocard, ces écrits sont essentiels. Ce ne sont pas de simples légendes, encore moins des descriptions. Ce sont des paroles offertes, des confidences brodées, une manière de verbaliser l’énergie singulière que dégage chaque couple. « C’est fondamental pour moi que les photos soient accompagnées de textes. L’image capte un instant, une tension, un regard. Mais le texte, lui, traduit la vibration. Il raconte ce qui circule entre eux, ce qu’ils ont envie de dire, ce qu’ils portent ensemble. » Chaque texte est écrit sur mesure, après rencontre, après échange, après immersion dans l’univers du duo. « Ce que je cherche, c’est leur dynamique propre. Qu’est-ce qui les anime ? Qu’est-ce qui les relie, les bouscule, les renforce ? » Ce travail de résonance donne naissance à des fragments sensibles, parfois poétiques, parfois narratifs, toujours en cohérence avec leur identité. C’est cette double lecture -visuelle et textuelle -qui donne au projet toute sa force. Il ne s’agit pas seulement de regarder : il s’agit d’écouter ce que ces visages racontent à travers les mots. Une mise en lumière à deux voix, où l’image et l’écriture forment un seul et même chant.

Choisir les couples, comme on choisit un poème

À l’origine, elle photographie six couples de la vallée. Des bagnards, amis ou proches. Mais aussi des amis installés dans le monde entier. « J’ai toujours dit : vous avez le droit de dire non. L’amitié passe avant mon travail d’artiste. » Certains ont refusé, d’autres ont accepté avec émotion. Car se laisser prendre en photo à deux, c’est aussi s’exposer. C’est dire « oui » à ce lien, en pleine lumière. « Ce projet, c’est un cadeau. Ils me font confiance. Sans eux, je ne fais rien. » Le protocole est toujours le même : elle écoute, beaucoup. « Je ne dis presque rien. Je pose des questions, je capte. C’est eux, leur voix, leur façon de se regarder. Moi, je suis le canal. » Chaque portrait est équilibré. Il n’y a pas de dominant. Elle refuse de mettre en avant celui qu’elle connaît le mieux. C’est une écriture à deux voix, même lorsqu’elle est seule à tenir la plume.

Une artiste multiforme, entière et engagée

Actrice dès l’adolescence, révélée au cinéma puis à la télévision, Pascale Rocard a toujours suivi son intuition. « Moi, je suis un électron libre. » Écrivaine, elle publie Le rêve du grand sable chez Calmann-Lévy. Metteuse en scène, elle crée des pièces traversées par le deuil, le rire, le fantastique. Elle évoque sa pièce sur la trisomie 21, jouée plus de 80 fois à l’international, où elle incarne à elle seule tous les personnages, jusqu’à les transposer dans un long-métrage mêlant animation et réel, en coréalisation avec Gil Valéry.  « Tout ce que je fais part de l’intime. Je parle de ce qui m’a transformée. » Chaque œuvre est un hommage à ses souffrances et ses difficultés. Elle transforme les fêlures en tendresse, la douleur en lumière.

Romy Moret

www.pascalerocard.com

« L’objet de votre Amour » , Photos et textes, exposition et livre publié aux éditions Slatkine- La Belle Usine du 15 juin au 6 juillet 2025, me-je-ve-sa de 15h à 19h, dimanche de 13h à 17h. L’exposition sera ensuite visible chez VFP à Verbier du 8 juillet au 6 septembre.

Pascale Rocard dédicace à la librairie Le Baobab à Martigny le 12 juin à 17h, à la Fnac de Conthey le 21 juin des 14h. Disponible en librairie dès le 10 juin.

Les noms de quelques couples valaisans :

Phoebe King et Benoit Albertini ( le dictionnaire Hugo)

Sylvette et Serge Albertini ( la casserole)

Fanny Monet et Anthony Fournier (la couverture rouge )

Séverine Marquis et Mike Coppens ( la pendule) 

Martine Jaques Dufour et Nicolas Dufour ( le bouddha)

Pascale  Dalla-Zuanna et Lucien Abbet ( la plaque de chocolat )

Sarah et François Roux ( le cahier d’écolier) 

Isabelle et Christophe Sempéré ( le livre sur la ville de Bastia)

Marie et Joel Hiroz ( le tambour )

Giuseppe Palmadessa et Delphine Morend ( les photos des Combins )

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